L'origine de la douleur

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J’entends souvent que l’ostéopathie est efficace car elle ne s’attaque pas qu’aux symptômes, mais à l’origine de la douleur.
On est dans cette recherche de l’origine car, sur le papier, si on la trouve, les troubles devraient disparaître une bonne fois pour toutes.
A l’inverse, si on ne règle pas la base du problème, le corps continue de dysfonctionner et des douleurs peuvent alors réapparaître au même endroit ou même ailleurs par phénomène de compensation.

Cette théorie peut paraître logique, mais elle mérite qu’on la remette en question.

I. L'ostéopathie s'attaque-t-elle vraiment à l'origine de la douleur ?

Commençons par redéfinir nos 2 sujets :

  • Qu’est-ce que l’ostéopathie ?
    L’ostéopathie est une thérapie manuelle visant à prévenir et soigner les troubles fonctionnels du corps, en prenant en compte l’humain dans sa globalité.
  • Qu’est-ce que l’origine de la douleur ?
    C’est bien là tout le débat, et on va tenter de répondre à notre problématique à travers plusieurs exemples et comparaisons.

Exemple 1 : le doigt dans la porte

  • Si vous vous coincez le doigt dans la porte, une première approche purement symptomatique (et de plus en plus décriée) consistera à faire disparaître la douleur du doigt, par exemple avec des médicaments. Vous n’aurez alors plus mal, mais votre doigt restera coincé, et avec le temps, il est probable que la douleur revienne
  • Une 2ᵉ approche consisterait juste à ouvrir la porte. Le doigt s’en retrouverait soulagé et on pourrait combiner cela au 1er traitement pour de meilleurs résultats. Sauf que dans cette approche, on n’a pas regardé, et donc pas vu qu’il y avait un souci au niveau des gonds, ce qui fait que la porte se referme à nouveau sur le doigt !
  • L’approche ostéopathique consisterait à vérifier l’ensemble de la structure de la porte (gonds, poignée, dimensions). On aurait alors vu qu’il y avait un problème au niveau des gonds, on l’aurait réglé, et enfin on aurait ouvert la porte. Il n’y aurait alors plus de raison pour que la porte se referme à nouveau sur le doigt, et en toute logique, la douleur ne devrait plus revenir.

On pourrait en déduire que l’origine de la douleur du doigt était le problème au niveau des gonds.
Si on suit ce raisonnement, alors oui, l’ostéopathie s’attaque à l’origine de la douleur, c’est-à-dire à la première dysfonction.

Mais ma réflexion va alors un petit peu plus loin.
Pourquoi y avait-il un problème au niveau des gonds ? Vous êtes-vous mal servi de la porte ou la fermez-vous sur votre doigt régulièrement (volontairement ou non)? Avez-vous mal entretenu les gonds ?
Qu’est-ce que me dit que les gonds ne vont pas être à nouveau défaillants ?

Voici mes questions :

L’origine est-elle vraiment les gonds : c’est-à-dire le 1er dysfonctionnement de la porte ?
L’origine est-elle ce qui les a rendu défaillants : c’est-à-dire le 1er événement qui a fait dysfonctionner la porte ?

Exemple 2 : ce qu'on peut retrouver en cabinet

Sur le corps humain aussi, le problème ne se situe pas forcément là où nous avons mal.
Pour faire simple, disons que cela s’explique principalement par des phénomènes de compensation.

  • Une douleur musculaire au niveau du cou ne vient pas forcément des muscles cervicaux, mais peut être la résultante d’une raideur au niveau d’une vertèbre lombaire.
  • Pour compenser cette raideur lombaire, le corps s’adapte et modifie sa posture.
  • Avec le temps, le corps n’arrive plus à compenser, et une raideur au niveau d’une vertèbre cervicale s’installe accompagnée d’une contracture musculaire.

Dans notre cas, l’origine de la douleur musculaire cervicale serait donc une vertèbre lombaire.


Pour faire le parallèle avec l’exemple précédent :
           Muscles cervicaux = doigt
           Vertèbre cervicale = porte
           Vertèbre lombaire = gonds

Après un examen global de votre corps, le traitement ostéopathique va donc s’orienter vers cette vertèbre lombaire. La douleur musculaire cervicale devrait donc diminuer, et pour de meilleurs résultats, votre vertèbre cervicale sera aussi traitée.

L’ostéopathie aurait donc traité l’origine de la douleur.

Mais je repose la question : pourquoi cette vertèbre lombaire s’est-elle enraidie ? Qu’est ce qui me dit qu’elle ne va pas s’enraidir à nouveau ? Qu’a donc fait (ou pas fait) mon patient pour enraidir cette vertèbre lombaire ?

Selon moi, il y a donc quelque chose encore avant cette origine, quelque chose d’extérieur qui a entraîné ce dysfonctionnement, et si on veut traiter l’origine, c’est là-dessus qu’il faut agir.

Ce quelque chose, c’est la manière donc vous vivez :

  • Physiologiquement et mécaniquement : ce que vous mangez, ce que vous buvez, comment vous dormez, comment vous vous asseyez, comment vous vous levez, comment vous vous déplacez, si vous êtes sédentaire, si vous faites du sport, à quelle fréquence, à quelle intensité, l’aménagement de votre poste de travail, l’aménagement du mobilier chez vous, comment vous faites vos courses, comment vous rangez vos courses, comment vous cuisinez, etc…
  • Votre gestion des émotions : votre personnalité, comment vous gérez le stress et la pression, vos interactions sociales (famille, amis, collègues), si vous avez des loisirs et leur fréquence, comment vous vous sentez au travail, comment vous vous sentez chez vous, comment vous gérez les événements imprévus (perte d’emploi, perte d’un proche, maladie, gain au loto…), etc…
  • Le tout sur une base génétique, éducative et culturelle qui vous est propre.

En suivant cette logique, les traitements ostéopathiques à proprement parler (c’est-à-dire les stimulations et manipulations), agissent plutôt sur les dysfonctions intrinsèques au corps, mais n’ont aucune influence sur l’origine du problème, puisque celle-ci est, selon mon parti pris, extérieure au corps et correspond à l’événement qui l’a fait dysfonctionner.

Conclusion sur l’origine de la douleur

S’attaquer à l’origine selon moi, c’est donc s’attaquer à votre mode de vie.
L’ostéopathe peut alors vous conseiller pour limiter les facteurs de risque de dysfonctionnements de votre corps…
…en vous expliquant comment il fonctionne et dysfonctionne …
… et quoi faire et éventuellement qui voir pour entretenir son fonctionnement…
…et c’est déjà pas mal !

Après cela, la balle est dans votre camp !

Pour conclure, comme pourrait le dire un célèbre scribe, « je ne crois pas qu’il y ait de bonne ou de mauvaise réponse ».


Tout dépend de ce qu’on considère être l’origine de la douleur, et chacun(e) se fera donc son avis en fonction de la définition qu’il/elle en donne.